dimanche 8 mars 2009

La mort

J’ai souvent vu mourir des gens. Je devrais être blasé. Mais je ne le suis jamais. Je voudrais vous parler de 3 aspects de la mort qui me tiennent à cœur.
- Choisir l’heure de sa mort est un débat d’actualité. Ce sujet a depuis longtemps effleuré la conscience des femmes et des hommes.
J’ai vu il y a quelques mois un reportage sur la télé suisse qui m’a fait beaucoup réfléchir. Il faut savoir, au préalable, que la Suisse avec de rares pays (comme le Canada) ont voté des lois pour permettre l’euthanasie voire le suicide assisté. Dans ce reportage on voit un homme, autour de la soixantaine, parfaitement lucide, se déplaçant normalement, vivant normalement comme vous et moi, donc ce monsieur accompagné par sa compagne (son épouse ?) est devant un médecin qui lui dit que son cancer (on ne dit pas lequel) lui a donné des localisations cérébrales et que tous les traitements ont été réalisés pour les exterminer voire les diminuer…en vain, que celles-ci progressent et que bientôt (il ne donne pas de date) le patient va avoir des signes neurologiques à type de déficit, puis il va perdre le contrôle de ses fonctions intimes, puis il va sombrer dans un coma qui le mènera inéluctablement à la mort. Le patient lui demande un pronostic quand à la durée de ce processus. Le médecin dit qu’il ne peut dire si c’est une question de jours, de mois.
Puis on voit le patient avec sa compagne chez lui, ils discutent pour appréhender au mieux cet instant crucial. Finalement ils décident de s’adresser à une association absolument légale puisqu’elle est supervisée par un juge et par un médecin et ils décident ensemble d’éviter ces moments pénibles en se (le monsieur) donnant la mort précocement. Le malade appelle alors son notaire pour régler sa succession, son médecin pour avoir son avis enfin le président de l’association sus citée. Celui-ci se déplace chez lui et lui explique le plus calmement possible les modalités de cette euthanasie active. Le malade accepte.
On le voit ensuite ouvrir son calepin avec sa compagne pour décider de la date…après discussion ils décident que ce sera un samedi car le lendemain il y a la messe et que l’on pourra l’inhumer tranquillement le lundi. Ils fixent une date. Ils fixent aussi une autre date, celle de la fête qui consiste à rassembler ses amis autour d’un verre et autres amuse-gueule afin de les informer et de leur dire au revoir. On le voit ensuite pendant cette fête où le champagne coule à flot, avec musique et flonflons. Il annonce au micro, calmement qu’il a décidé de mourir tel samedi. Applaudissements. Ses amis le congratulent comme ci il venait de recevoir la Légion d’Honneur, l’embrassent.
3 jours avant la date fatidique : patatras ! l’association lui dit que ce n’est pas possible car la pharmacie qui doit délivrer le poison létal, est fermée et que c’est le jour de congé de l’infirmière qui doit délivrer le mortel breuvage. On le voit donc reprendre son calepin avec sa compagne et dire : on le fera donc le vendredi avant…mais c’est l’anniversaire à tante X. Le vendredi après impossible car ce sont les élections…….ils tournent les pages et enfin trouvent un vendredi ou cela ne dérange personne. Pendant ce temps il continue à s’occuper de ses vaches (il est fermier) des comptes de son exploitation, à conduire son 4x4, à faire ses courses etc. Le jour J une infirmière rentre chez lui. Elle lui explique les modalités de l’acte. Il embrasse sa compagne, fait une prière, s’allonge sur son lit. L’infirmière revient le voir pour lui dire qu’il a encore, selon la loi, 15 minutes pour changer d’avis. Elle revient au bout, lui temd un flacon et lui dit qu’il lui est toujours possible d’arrêter... même au dernier moment. On le voit regarder le flacon. Il est seul dans sa chambre, il se met sous les couvertures après être allé aux toilettes. Il boit le flacon, 5 minutes après il s’endort, 8 minutes après l’infirmière vient constater le décès. Sa compagne s’approche du lui. Lui fait un baiser. L’infirmière appelle le médecin pour constater le décès ainsi que le juge. Le reportage s’arrête là. Il ne s’agit pas d’un documentaire fiction. Tout est réel, vrai et authentique.
Ce film m’a laissé très mal à l’aise car j’ai détesté la dérision avec laquelle la mort est traitée. Cette réalité m’a parue cynique…jusqu’à l’insupportable. Cela m’a choqué de voir traiter la mort comme un rendez vous avec le fisc ou son notaire. La mort devrait être respectée. D’un autre côté, n’a-t-il pas évité la déchéance et peut être la perte de sa dignité ? Je ne sais pas. Je ne sais pas si l’homme a le droit de traiter la mort ainsi.

- Autre histoire, autre mort. Cela se passe en France.
Un de mes meilleurs amis perd son père. Etant en France et me trouvant à proximité, je décide d’aller aux funérailles. Après 4h de route j’arrive au cimetière d’un petit village dans le sud ouest, en plein vignoble. La journée était belle mais le vent glacé. Moins trois degrés au thermomètre. Personne. J’attends. Dans mon véhicule, vu le froid. Un corbillard s’annonce. Une poignée de voitures le suivent. Mon ami arrive apparemment très ému car sous son sourire je vois bien sourdre des larmes. Il me remercie et me dit que tout va bien. Je lui donne l’accolade et me tais. On pénètre dans le cimetière très ensoleillé mais glacé. Les cyprès plient sous le vent de janvier. Le gravier crisse sous les pas. Les tombes sont finement décorées et fleuries avec les inscriptions habituelles. On arrive devant le trou creusé pour accéder au caveau familial. Des tréteaux sont disposés et le cercueil apposé. Une dizaine de personnes étaient là. Surtout des personnes âgées. Derrière, arrive soutenue par deux personnes, une dame âgée marchant difficilement. C’est la veuve. Arrivée devant le trou elle dit à son fils (mon ami) : « P. as-tu donné à manger au chien ? Quelle heure il est etc.… » Des propos incohérents. Mon ami me dit que sa maman est atteinte de maladie d’Alzheimer et que c’était son papa (le défunt) qui s’occupait d’elle. Le cercueil est nu. Aucune croix, ni étoile ni croissant. Nu. Pas de prêtre ni de rabbin ni d’imam ou équivalent. Le défunt était athée. Vient le moment de l’oraison funèbre. Mon ami est seul avec son frère devant le cercueil. Personne ne s’avance pour dire un mot. Il régnait un silence sidéral…très mal à l’aise mon ami s’avance, met sa main sur le cercueil et, entre ses larmes, marmonne quelques mots incompréhensibles. Au bout de quelques minutes je m’approche de lui, pose mon bras gauche sur son épaule et lui chuchote « P. s’est bon. Arrête. On a compris. Mets ton père en terre ». Avant même qu’il ne me réponde, arrive le gardien du cimetière, qui dit (avec l'accent du Sud Ouest): « je viens de vérifier les papiers, ce n’est pas le bon caveau. Les pompes funèbres se sont trompées, votre caveau est là bas » et il montre du doigt un autre caveau identique distant de 10 mètres. Douche froide sur ce cimetière gelé. Regards interrogatifs. Terrible pour mon ami, enterrer son père sans prêtre, presque sans famille et presque sans amis, et lui dire une minute avant l’enterrement qu’on ne veut pas du cadavre ! Terrible. Je me dirige alors vers le gardien du cimetière et je lui explique que compte tenu que l’on ne pourra pas ramener le cercueil à la maison dans le coffre à bagages de ma Twingo de location nous allons bien le mettre là où le trou est creusé. Dix minutes de marchandage ont suivi. Moyennant une liasse d’euros nous nous sommes entendus. Le cercueil est descendu. Le caveau est scellé. Le défunt était non seulement athée, mais repose chez les autres. Quel destin !
Quand tout le monde est parti, avec mon ami, nous avons marché plusieurs minutes dans les allées du cimetière sans dire un mot. Le soleil baissait, le vent encore plus froid. Une fois gelés nous décidâmes de nous quitter.
Cette histoire illustre combien la religion est importante…quand on meurt. Et combien le froid est conservateur.

- Mais la mort existe-t-elle ? Fait-elle partie de la vie ? Si l’on suit la définition des biologistes, la mort est la condition sine qua non de la Vie : tout ce qui ne meurt pas ne vit pas. Mais un atome d’uranium meurt aussi… ils ont donc dû rajouter : tout ce qui ne se reproduit pas, et ne meurt pas ne vit pas. Faut donc se féliciter de la mort puisque nous vivons et nous nous reproduisons.
Les physiciens et les chimistes ont une autre définition de la mort : les atomes qui nous constituent n’étant en fait qu’une « vibration », une probabilité de présence, issue de leur observation, celle-ci influe obligatoirement sur leur comportement. Ex : On nous apprend que l’électron est un objet qui tourne autour du noyau de l’atome comme la terre tourne autour du soleil, etc. C’est faux, disent ils. L'electron est une onde dont on mesure la probabilité de présence. Mais si on l’observe on modifie son aspect et son comportement. Pour donner encore un exemple plus terre à terre : supposez que vous vous promenez dans une forêt la nuit et qu’il y a des oiseaux nocturnes qui volent et qui gazouillent. Tant qu’il fait noir vous pouvez apprécier la probabilité de leur présence et leur ethnie par leur chant. Si vous éclairez tout cela avec un puissant projecteur, les oiseaux vont fuir et se taire. Vous ne pourrez donc plus les identifier ni les localiser. Donc l’Etre est une onde dont le comportement ne se modifie que quand on l’observe. Mais qui est ce qui observe ? … en fait c’est notre conscience. Je vous invite à lire l’expérience du chat de Schrödinger. (Tapez ce nom sur google). Ce physicien a démontré que si la vie d’un chat ( ou de tout être vivant) enfermé dépendait de l’émission d’un électron par un atome d’uranium, et sachant que cet uranium a une chance sur deux d’émettre un électron pendant la durée de l’expérience et que l’électron lui-même est un nuage de probabilité de présence, le chat serait dans un état de mort et de vivant. C’est un mort vivant.
Difficile à admettre. Pendant 30 ans les physiciens du monde entier ont tenté de trouver une explication… la solution est que c’est la conscience de celui qui observe qui décide si le chat est mort ou vivant.
Le résultat est que la vie et la mort ne dépendent que de la conscience perceptive de celui qui observe…sans contact avec ce qui nous observe nous sommes tous des morts vivants. Malgré les imperfections de ma démonstration prenez une aspirine et couchez vous.
La mort n'est pas chose simple.
Bien à vous.
MALI

3 commentaires:

  1. Voici un lien vers un site que j’adore, ça n’a rien à voir avec le sujet mais juste pour les blogs que j’apprécie (y’en a sûrement d’autres que je ne connaisse pas) et leurs commentateurs.
    http://www.creerlecalme.com/index.html

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  2. Bonjour Mali,

    Je viens de découvrir ton blog que j'apprécie. Tu mets le doigt sur un problème que j'ai déjà rencontré : comment se débrouiller de la mort et de ses circonstances en tant qu'athée. MAis le problème n'est pas l'absence de religion, mais de rituel. En effet, en l'absence de prêtre, il faut se débrouiller avec les moyens du bord. C'est à chaque famille de créer, d'inventer quelque chose pour rendre hommage au défunt, tout en vivant un moment difficile. Certaines familles ont de l'imagination, d'autres pas... Il reste que j'ai été moi même assez révoltée de constater que dans notre République française laïque et démocratique, la question de la mort n'a jamais été pensée, encadrée un minimum... (pour le mariage par exemple, il y a bien un rituel à la Mairie...) et que l'on peut se retrouver, comme ton ami, bien démuni. C'est un vide de notre société qui à mon avis devrait être comblé par l'Etat et non par les religions : il devrait exister un enterrement civil en plus de l'enterrement religieux, comme le mariage. Mais malheureusement, ce n'est pas à l'ordre du jour... c'est désolant de voir des personnes, qui ont été des citoyens modèles, des résistants, des personnes engagées dans la vie de leur commune partir en terre sans qu'un hommage républicain/laïque leur soit rendu - rien n'est prévu parce qu'elles sont athées.
    ... merci pour ce post.

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  3. Chère uneblondeaubled ,
    Je suis très heureux de vous voir apprécier ce post. Votre remarque est judicieuse et l’on peut parfaitement imaginer tout comme les mariages et les baptêmes républicains, des obsèques républicaines.
    Mais ce n’est pas pour demain car c’est le seul créneau qui reste pour les barbus, les croisés ou autres porteurs de kippa. Et leur lobbying est immense.
    Bien à vous.
    MALI

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