mardi 8 septembre 2009

Histoire Ramadhanesque ou « quand Kafka s’en mêle »

Quand j’étais gamin, pendant le mois sacré, il n’y avait pas de télé. Après la rupture du jeûne on se rassemblait autour d’un « Raoui » une personne d’un certain âge qui nous racontait des histoires, souvent préludes à une longue rêverie et à de jolis rêves.
Je vais ce soir endosser son costume et vous raconter une histoire vraie survenue il y peu de mois voire peu d’années à une de mes connaissances : un homme de la trentaine, tunisien, vivant en France, marié, et qui avait deux enfants en bas âge. Par commodité on va l’appeler Adam.
Ce jeune homme rentre avec femme et enfants passer la fin du Ramadhan et l’Aïd en Tunisie. A l’aéroport de Tunis, son épouse et lui-même avaient pris des files différentes pour accéder à la police, manière de gagner quelques minutes si une file avançait plus vite que l’autre. Les enfants gambadaient de file en file. Adam (binational) avait en sa possession son passeport tunisien et les passeports tunisiens des enfants alors que son épouse (binationale) avait son passeport tunisien et son passeport français sur lequel les enfants étaient inscrits comme accompagnants. Le hasard (encore un mot d’origine arabe, ezzhar) a fait qu’ils arrivèrent en même temps devant les contrôles de police. Au moment du passage, les enfants étaient avec leur mère. Ils sont donc passés « sur son passeport » comme accompagnants. Lui, étant seul au moment du passage ne montre que son passeport tunisien. Les vacances passent. Son épouse pour des raisons professionnelles était retournée en France 4 jours avant le reste de sa famille. Le jour du retour, Adam se présente à la police des frontières avec ses deux enfants et leurs 3 passeports tunisiens. Le policier alors lui demande : "Quand donc sont rentrés vos enfants ?" Il répond "tel jour avec moi." Le policier souffle un grand coup et lui dit : « je ne vois pas de tampon d’entrée sur le passeport de vos enfants. Donc ils ne sont pas entrés. Et, s’ils ne sont pas entrés alors ils ne peuvent pas sortir. » Adam explique alors l’histoire des files d’attente lors de son arrivée, son épouse, etc.. Le policier remonte ses vraies fausses Ray Ban de soleil sur son nez (il n’y avait que le néon qui éclairait) et dit : « Ya khouya (mon frère) vos enfants ne peuvent pas sortir puisqu’ils ne sont pas entrés ! C’est simple tout de même». Oui simple, imparable tu ne peux sortir si tu n’es pas entré… pardi ! Alors mon ami lui demande de se lever et regarder par dessus sa banque : « et ces deux gamins, ils viennent d’où d’après vous. » Il rétorque : « je ne sais pas d’où ils viennent mais certainement pas de l’étranger puisque sur leur passeport il n’y a aucun tampon d’entrée. Et s’ils ne viennent pas de France alors il leur faut un visa pour y aller » Le sang d’Adam ne fait qu’un tour car il était était à 30 mn du départ. Dialogue de sourds. Sortie si entrée, pas sortie si pas entrée. Notre ami qui commençait à voir rouge demande, alors, à voir le chef du policier. Le chef arrive, gros bide, chemise serrée, mouillée de sueur, il retire sa casquette (son képi ?) de sur sa tête chauve et redit exactement ce qu’avait déjà dit l’agent de police avant lui. « Missalech ya sidi, vous laissez les enfants à Tunis, vous nous adressez par voie consulaire la photocopie du passeport de votre épouse montrant que les enfants sont bien rentrés (en Tunisie), et ensuite ils pourront sortir puisqu’ils seront rentrés ». « Vous rigolez j’espère ». « Est ce que j’ai l’air de rigoler ? » dit il en épongeant son front.Là Adam voit rouge. Ses naseaux fument. Sa voix devient criante. Il explique en hurlant que l’avion décolle dans 20 mn. Sa voix devient tremblante. Adam hurle qu’il n’est absolument pas question de laisser ses enfants, car il n’y a personne pour les garder et que son travail l’oblige à rejoindre son poste sinon la sécurité de centaines de personnes pourrait être compromise. Il précise au policier et qu’il sera tenu pour responsable si le moindre sinistre devait survenir dans son travail à cause de son immobilisation obligée. Adam lui demande et, note son nom. Il est désemparé : il n’a même pas pris son téléphone portable. Il ne peut appeler à l’aide.
A ce moment là, un ange passe. L’ange ramadhanesque est là. Adam sent une once de compassion poindre dans la tête glabre de ce policier. « Suivez-moi ». Adam, le flic et les deux enfants galopent alors à travers un dédale de couloirs et ils arrivent dans une salle ou il y avait une montagne de fiches de police à même le sol. Dans cette gabegie innommable le flic chauve désigne un tas et dit à Adam que la fiche d’entrée de son épouse devrait être là dedans. Et le voilà à 4 pattes entrain de chercher dans ces milliers de fiches celle de son épouse. Le policier et les enfants cherchent aussi et, oh miracle! Au bout de deux minutes, la fiche d’entrée est retrouvée. Le flic dit « effectivement vos enfants sont rentrés » Il réfléchi 5 secondes se gratte les 3 cheveux qui lui restent et demande de le suivre. Nouveau dédale. Escaliers. Ils arrivent aux « arrivées » de l’aéroport. Il prend les passeports des enfants, regarde autour de lui, prend un tampon, change la date et tamponne les passeports des enfants. Il rend les passeports et dit « retournez vite au départ. On ne s’est jamais vu OK ? Je viens de faire un geste illégal. On ne s’est jamais vu OK ? » Dit il en hurlant. Adam sprinte ventre à terre au premier guichet du premier flic accompagné par les gamins qui trouvaient ce cirque amusant. Il représente les mêmes passeports au même premier flic qui, baissant ses lunettes de soleil et en souriant dit « et bien voilà, sidi khouya, fallait pas vous énerver, maintenant qu’ils sont entrés…vos enfants peuvent sortir » en donnant deux grands coups de tampon. L’avion était sur le point de fermer ses portes. Ouf. Merci monsieur le flic chauve.
A priori on s’en tamponne de cette histoire. Mais à posteriori on en rit ou on en pleure ou on remercie Allah pour son omipotence...et on relit Kafka.
Depuis, quand il va aux toilettes, Adam ferme la porte…au cas où il ne pourrait plus l’ouvrir puis qu’elle n’était pas fermée.
Bien à vous

6 commentaires:

  1. Adam peut ne pas fermer la porte ainsi il n'aurait pas besoin de l'ouvrir puisqu'elle n'était pas fermée !
    Bakhta

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  2. Désolé Bakhta, mais bien sur qu'il doit la fermer pour éviter qu'elle le soit par l'extérieur ou de se voir assouvir ses besognes en duo !

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  3. Désolée Zorbouzara c'est d'Adam dont parle Mali c'est donc en solo je pense à moins que Eve soit apparue d'une de ses côtes... !
    Bakhta

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  4. Bon, reprenons,
    La théorie de la police tunisienne c’est que ne peut s’ouvrir que ce qui était fermé et vice versa .
    Quand vous allez aux chiottes vous n’avez qu’une seule envie c’est d’en sortir. Pour que vous puissiez quitter les toilette il faut que vous puissiez en ouvrir la porte.
    Supposons que vous alliez chère Bakhta faire pipi dans les toilettes de l’aéroport et que vous laissiez la porte ouverte. Selon la police vous ne pouvez plus en sortir car une porte ouverte ne peut pas s’ouvrir puisqu’elle est ouverte. Si vous l’avez bloquée en position ouverte tout va bien. Mais si au cours de votre pipi vous voyez MALI reluquer votre joli minou alors je parie que vous allez pousser la porte pour l’entre bailler. C’est là que vous emmerdement (si j’ose parler chiotte) vont commencer. Vous ne pouvez pas sortir par une porte entre baillée, donc vous avez tendance à l’ouvrir. Mais comme elle n’était pas fermée la Loi de notre chère république va vous empêcher de le faire selon le principe que « si elle n’était pas fermée on ne peut pas l’ouvrir » C’est exactement ce qui est arrivé à Adam. L’administration est d’une logique implacable.

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  5. heureusement qu'il y avait un Ange pour arranger les choses QUOI QUE S'ÉTAIT UN GESTE ILLEGAL, mais on s'en fout, tout est illégal dans ce pays.
    Adam avait une sacrée chance aussi pour avoir trouvée la fiche des enfants en 2 minutes, cela confirme bien le niveau organisationnel auquel notre pays est arrivé :)

    Faut voir le bon côté de la chose :)

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  6. Il faut voir le bon côté de la chose effectivement comme disait Téméraire :) !
    Bakhta

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