mercredi 28 avril 2010

Voile et réclusion 2

Suite de ce qu’écrivait en 1913, Mansour Fahmy, à la Librairie Félix Alcan a publié son livre, La Condition de la femme dans la tradition et l'évolution de l'islamisme. © Éditions Allia 1990, 2002.


Comment des textes aussi précis concernant le port du voile ont pu perdre toute leur valeur pratique, et comment la réclusion a pu devenir si rigoureuse ? Comment expliquer que les mœurs de certains pays musulmans et de certaines classes interdisent strictement de voir le visage d'une femme ?

Esquissons l’histoire sociale du voile :

A mesure que l'islamisme se développa et progressa dans le temps et dans l'espace, la démarcation devint plus profonde entre les diverses classes ; le voile et la réclusion prirent une importance croissante. Puis, l'islam conquit d'autres terres ; le nombre des femmes esclaves augmenta, et les femmes libres subirent de plus en plus les fâcheuses conséquences de la règle du voile et de la réclusion.
Conquête de la Perse et de la Mésopotamie d'une part, et de l'autre la Syrie, occupée depuis sept siècles par les Romains. Conquête de l'Egypte et la Nubie. En une vingtaine d'an­nées, l'Empire arabe s'agrandit d'une manière considé­rable. Les conquérants se trouvèrent en contact avec d'autres civilisations. Ils se réservèrent les privilèges du vainqueur, et maintinrent leurs femmes sous le déplo­rable régime de la réclusion, afin de les distinguer des autres femmes.

Le prestige du voile devint bientôt général dans les hautes classes de la société musulmane. Mais la nature humaine a ses exigences et sait trouver des issues en dépit de la rigueur des mœurs, en dépit des anomalies sociales qui éloignent, pour un moment, l'homme des conditions normales et de l'équilibre régulier de sa desti­née biologique. Les Mecquois, eurent vite fait de trouver, un moyen fort simple de s'affranchir pour un temps, en vue de leurs intérêts pratiques, des rigueurs de la réclusion. A La Mecque les jeunes femmes à marier sortaient sans voile pour faire une fois le tour du temple de la Kaâba, afin de donner l'occasion de les voir aux hommes qui voudraient demander leur main. Ceci est peut être le vestige d'une coutume ancienne, qui se serait maintenue malgré l'évolution générale de la société musulmane dans le sens de la réclusion. Quoi qu'il en soit, cet usage qui exista probablement durant les premiers siècles de l'Hégire pal­liait jusqu'à un certain point les inconvénients d'une réglementation incompatible avec les intérêts des hommes. Mais le palliatif ne tarda point à dépérir, à mesure qu'allait croissant la dégradation de la femme, à mesure que la sévérité des mœurs devenait plus grande et gagnait de proche en proche tous les pays que connais­sait l'islam primitif.

En Egypte, vers la même époque, on observait la réclusion dans toute sa rigueur. Au 9ème siècle de l'Hégire, époque où le système de la réclusion fut en Egypte est à son apogée, le sultan d'Egypte promulgua l'interdiction de sortir pour toutes les femmes, sous quelque prétexte que ce fut, sauf pour les laveuses des femmes mortes. On était alors bien loin de la pleine liberté que Mahomet laissait aux femmes de faire la prière dans la mosquée et de laisser voir leur visage et leurs mains.

Mais alors, quelle est donc l’histoire du voile et qu’est ce que le voile ?

A mesure que la condition malheureuse de la femme empirait dans le monde islamique, le costume féminin se compliquait par l'effet même du système de la réclusion. Durant les premiers temps de l'islam, alors que la plu­part des Arabes étaient encore nomades et que leurs villages se composaient de tentes plantées en plein désert, l'art du tailleur était à peu près ignoré. On ne distinguait trop entre le costume de l'homme et celui de la femme. L'essentiel du vêtement se réduisait à un manteau tissé en une seule pièce dont on s'enveloppait.
Plus tard, au cours de leurs conquêtes, les Arabes vain­queurs empruntèrent aux peuples vaincus diverses par­ties de leur habillement, et beaucoup de luxe. (Persans et Romains).
En Espagne, les Arabes, surtout pendant la dernière période de leur empire, adoptèrent, ainsi, une très grande partie des costumes des cheva­liers chrétiens. En d'autres pays, les musulmans diffèrent de coiffure, d'habits, de chaussures etc. La complication accrue de l'habillement apparaît évi­dente quand on compare les quelques noms qui dési­gnent les vêtements au temps de Mahomet et que nous ont conservés les anciennes traditions, avec ceux qui ont été usités dans la suite. Dozy, dans son Dictionnaire des noms de vêtements chez les Arabes, a relevé bon nombre des objets d'habillement des hommes et des femmes, et en a signalé l'origine exotique. Nous n'insisterons donc pas et nous ne retiendrons des habits portés au 1er siècle de l'Hégire que ceux sur lesquels porta la législation coranique, et qui intéressent notre étude sur la réclusion des femmes.

Il faut tout de même se rappeler que l’on peut affirmer, d'une manière à peu près absolue, d'après nos connaissances actuelles sur la vie et les mœurs des anciens Arabes de l'époque antérieure à Mahomet, qu'il n'existait pas à ce moment de pièce d'ha­billement ayant pour objet de soustraire le visage de la femme à la vue de l'homme. Et on peut énoncer cette affirmation d'une manière plus catégorique encore lorsqu'on parle de la société arabe du temps de Mahomet, de celle à laquelle il a dicté ses lois. Mahomet allait en compagnie de sa première femme et de son jeune cousin faire la prière en commun à la Kaâba. Les femmes prenaient part à la vie commune au point d'inquiéter les hommes, et de leur donner à craindre que leurs femmes et leurs enfants ne fussent séduits par la nouvelle doctrine.

Rien ne faisait obstacle à la familiarité des rapports courants de la vie quotidienne entre les deux sexes. C'est de ce point de départ, de cet état de choses, qui n'a rien de choquant pour nos vues modernes, qu'on en vint gra­duellement à l'état de séparation radicale entre hommes et femmes.

Mais pourquoi donc ce climat de confiance s’est-il détérioré ?
Suite au prochain post.
Bien à vous chers amis(es)
MALI

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